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L'ubérisation du pétrole

Par Guillaume Maujean

Publié le 23 févr. 2016 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Le monde du pétrole a profondément changé. Pas seulement parce que le prix du baril a été divisé par trois. Mais parce qu'il a vu l'émergence simultanée d'événements inimaginables il y a encore cinq ans. Dans les années 1970, le monde pensait avoir trente ans de production pétrolière devant lui, avant l'assèchement des réserves. Nous savons désormais que le « peak oil » est plus lointain, et que nous avons de l'or noir sous nos pieds pour plusieurs décennies. De nouveaux acteurs sont apparus, qui s'appuient sur les progrès technologiques pour aller chercher la matière toujours plus loin, toujours plus en profondeur. On explore désormais les eaux profondes en mer du Nord et au large du Brésil, les sables bitumineux au Canada et au Venezuela, on va même chercher du pétrole jusqu'à l'Arctique. Grâce à la montée en puissance des gaz et huiles de schiste, les Etats-Unis sont devenus le premier producteur de la planète, détrônant une Arabie saoudite qui a perdu son rôle de « banque centrale » du pétrole. Le royaume wahhabite n'est plus le seul maître à bord, l'Opep plus aussi influente. Même ses alliances de circonstance avec la Russie ne suffisent pas à bouleverser le marché. Le pétrole s'est en fait « ubérisé », bouleversé par une concurrence nouvelle et une vague technologique qu'il n'avait pas vu venir. Les Saoudiens étaient convaincus que les schistes américains ne résisteraient pas à une baisse du baril en dessous des 50 dollars. Ils montrent une étonnante résistance à 35 dollars. Les progrès techniques dans l'exploration, l'industrialisation des processus et l'amélioration de la productivité ont permis d'abaisser les points morts. L'équivalent d'une nouvelle Norvège a été mis en production aux Etats-Unis tous les deux ans ! Résultat : l'offre est largement excédentaire : il y a chaque jour dans le monde plus de 1 million de barils de trop.

Comme le rappelle l'Ifri dans une note de politique étrangère, le marché pétrolier a connu entre 1928 et 1973 l'ère des « Sept soeurs », ces sept compagnies dont les dirigeants se sont partagé le monde, au cours d'une fameuse chasse au coq de bruyère. Il a connu entre 1974 et 2014 l'ère de l'Opep. Et il est désormais entré dans une nouvelle ère. Les forces du marché finiront par reprendre leurs droits. Les compagnies pétrolières ont déjà largement réduit leurs investissements. Et beaucoup de pays producteurs - le Venezuela, l'Algérie, etc. - ne résisteront pas à l'asphyxie budgétaire qui les étreint. Un nouvel équilibre se formera alors. Mais ce processus sera beaucoup plus lent que d'habitude, sur fond de ralentissement économique mondial et de transition énergétique. Les prix ne rebondiront pas aussi vite que par le passé. Et dans cette nouvelle ère, il y aura beaucoup de victimes.

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